R   E   V   U   E          N ° 3                 M   A   R   S      1   9   9   6

E     D    I    T    O    R    I    A    L

 

 

         Contrairement à ce que certains de ses détracteurs continuent à prétendre, la musique électroacoustique est bien loin de se réduire à quelque recherche en laboratoire. Sa pratique est indissociable d’un vécu dont l’intensité n’a rien à envier à celui des autres formes de musique, instrumentales ou vocales ; et c’est là un des traits qui me paraît relier plusieurs des interventions de ce troisième numéro de notre revue.

         Ainsi l’entretien avec Luc Ferrari témoigne-t-il avec force du fait qu’un studio de recherche n’est pas nécessairement le fruit d’une décision institutionnelle, de subsides publics, mais que sa création peut être tout simplement l’incarnation d’une passion pour le domaine des sons, dans son acception la plus étendue, comme cela s’est passé dans le cas de Gravesano, fondé par le chef d’orchestre Hermann Scherchen.

         Avec Lionel Marchetti, nous restons dans l’univers de Luc Ferrari, pour entrer cette fois dans sa musique, au travers d’une écoute active, réactive, qui la rattache à des conceptions archétypales du phénomène sonore.

         A l’épreuve du vécu apparaît  également l’approche, tout à la fois musicale et philosophique, que propose Régis Renouard Larivière de la notion d’objet sonore. Renouard Larivière, qui n’a pas connu Pierre Schaeffer, n’en est que plus libre pour interpréter à sa manière une démarche qui devient, sous sa plume, authentiquement interrogative, au-delà de toute position dogmatique ou réductrice.

         Combien de fois n’avons-nous pas entendu par ailleurs l’argument visant à opposer le vécu de l’interprétation instrumentale ou vocale au caractère figé du travail sur support, magnétique ou autre. Le texte de Bertrand Dubedout montre très précisément les qualités spécifiques d’interprétation que réclament les œuvres électroacoustiques pour donner leur pleine mesure. Développé avec une rigueur imparable, son plaidoyer avance des éléments de réflexion décisifs en faveur d’une diffusion à la hauteur des enjeux de la création électroacoustique.

         Ce mouvement inhérent à la création, avec les méandres et le cheminement que cela suppose, transparaît dans les propos d’Ivo Malec, qui révèlent à quel point intuition et recherche sont complémentaires.

         Comme dans les numéros précédents de la revue, nous remontons quelques décennies en arrière, jusqu’aux années 20, avec Robert Beyer, qui annonce, dans un texte prophétique, certaines mutations technologiques propres aux musiques les plus récentes.

         Enfin, avec Annette Vande Gorne, nous sommes invités à faire le point, de manière détaillée, sur les inventions qui ont jalonné l’aventure de la recherche musicale, depuis près d’un siècle, et, à travers le lexique qu’elle propose, à manier avec prudence et justesse des termes qui suscitent trop souvent confusion ou approximation hâtive.

Jean-Yves Bosseur